• ... Et nous font déprimer pour la journée.

    Me rendre seule à la Braderie de Lille est toujours pour moi l'occasion de passer le temps que je veux à explorer chaque stand tout en me faisant aborder par moult voyants africains, témoins de Jéhovah au regard illuminé et autres broutards arriérés qui croient bon de m'attirer à eux en braillant des « nymphoooo » à qui mieux mieux (je ne vois personnellement en quoi mon apparence ou ma tenue pouvaient susciter un tel qualificatif, à croire que le fait d'être sans propriétaire et burqa fantômatique suffit à me classer dans cette catégorie on ne peut plus arbitraire). Bien que je ne m'y fasse toujours pas, je vous passe l'habituelle « Eh, y a d'la moule, ici ! » proférée par de délicats touristes en mal de reconnaissance pour vous parler de ce bradeux altier et somme toute tellement abject qu'on se demande si l'on ne cauchemarde pas rien qu'en l'observant trois minutes. Vous savez, ce genre de type si fier de sa petite personne qu'il en oublie le reste du monde et qui se plaît toujours à monologuer des âneries à longueur de temps pendant que Bobonne s'occupe de la monnaie et répare les pots cassés (c'était le cas de le dire dans un tel contexte). On en a tous/tes, je pense (et malheureusement), connu au moins un dans notre vie.

    Cet énergumène était donc en train d'emmerder une dame sous couvert de drague, mais celle-ci, ô surprise, avait un peu plus de répondant qu'un mollusque bivalve comestible et dépendant de son rocher. « Je ne veux pas de vous », a-t-elle alors répondu calmement, mais fermement, à l'importun.

    Ce qui, bien évidemment, ne plut pas à cet excité, qui répondit alors : « T'as tort, ma caille, tu verrais comment qu'chuis bien monté » suivi d'un tristement mémorable : « Je vais te la mettre dans la bouche, moi, ça t'fermera ta grande gueule ! »

    [...]

    Evidemment, je n'en revenais pas. Et d'avoir entendu ce crétin fini proférer une pareille chose en toute impunité, et de constater qu'autour de moi... Tout le monde riait ! Un grand moment de solitude comme je n'en avais plus l'habitude, en somme. Mon « Ah, superbe » ironique et timide fut totalement englouti par les rires gras.

    La voisine de stand de ce crétin fini a fini par lâcher, en faisant mine de s'esclaffer, un : « Ah, il est infernal, plusieurs jours qu'on le supporte !» (ha, ha). La peur de « faire des histoires », évidemment, était sous-jacente. Alors on tolère, même si tout le monde sait que l'hilarité est feinte, et que l'autre phallocrate de mes deux ovaires a bel et bien agressé (même de loin, quelle franchise au passage) verbalement une femme qui a eu l'outrecuidance de lui résister. Bref, encore un qui a su clouer le bec à tout le monde en procédant par intimidation sexiste. Je n'étais que de passage, mais qu'est-ce que doit se permettre ce déchet, à longueur de journée ? Je n'ose même pas l'imaginer...

    À celles et ceux qui prétendent que le machisme est mort, je vous conseille de sortir un peu, rien qu'un peu. Mais qu'on ne vienne en tout cas surtout pas me dire que ce que je raconte n'est finalement pas bien grave, et qu'il s'agissait juste d'humour, ou de « second degré ». Ces tares ont assez de droits comme ça. Trop, même. Et je m'en veux de ne pas avoir su intervenir comme il l'aurait fallu, quitte à me faire rabrouer par tous/tes ces lâches et collabos.


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