• Je viens d'apprendre que Sergueï A., surnommé Serrioja, a mis fin à ses jours le mois dernier. Ce jeune étudiant lillois qui venait de temps en temps lire mes articles et les commenter se prostituait occasionnellement pour pouvoir offrir une vie décente à sa famille.
     
    Il relatait également dans son blog d'une humanisme et d'une justesse que j'appréciais considérablement les traumatismes que cette activité (que d'aucun-e-s jugent, à notre époque, indispensable & librement choisie*), pouvait occasionner.

    Ses témoignages étaient pour moi d'utilité publique parce-qu'ils visaient, non à victimiser ou stigmatiser les personnes prostituées (« escort », qu'on appelle ça, laissez-moi rire, ou pleurer, je ne sais plus), mais à dénoncer - en plus de mettre en garde les personnes qui seraient tentées de croire qu'il s'agit là d'un « métier pas si terrible que ça » - la spirale infernale des réseaux de prostitution et du commerce du sexe, que j'appellerais plutôt esclavage basé sur la domination (puritanisme et patriarcat : je ne vous remercierai jamais assez).

    « Il n'aura pas eu la vie qu'il souhaitait, aura vécu des aventures qui ne furent pas toujours au beau fixe et aurait mérité une vie meilleure », écrivent son père et ses ami-e-s.

    ... Avant d'ajouter ceci : « C'était un ami des plus dévoué, qui était toujours là pour nous aider lorsque nous en avions besoin, même si de son côté la vie n'était pas rose. Il préférait s'occuper des autres avant de s'aider lui-même. Nous avons tenté plusieurs fois de le sortir de ce calvaire en faisant de notre mieux. Nous pensions avoir réussi en lui trouvant du travail pour l'été, mais les choses étant ce qu'elles sont, il n'a pas supporté de vivre loin de sa Mama. Il l'aimait beaucoup et la vie sans elle lui était devenue insupportable comme il avait pu l'écrire ici et ailleurs ».

    En effet, Serrioja faisait partie de ces personnes empathiques et humaines que j'aurais aimé rencontrer : que n'ai-je insisté davantage pour mener à bien cette intention ? J'ignore si je lui aurais été d'un grand secours (et j'en doute) ou si je lui aurais changé les idées, mais je regrette de n'avoir rien pu faire pour le sortir de la torpeur dans laquelle il devait être plongé, ne serait-ce qu'au moment de revivre ses douloureux récits en les rédigeant.

    En sa mémoire, et pour toutes celles et ceux qui se retrouvent à devoir vendre leur corps pour le petit plaisir de viandards aux pulsions prétendument irrépressibles, nous devons continuer à témoigner, à nous battre, à dénoncer l'impensable. Nous ne pouvons taire ce que nous savons, ce que nous voyons à deux pas de chez nous, ce que les associations dénoncent avec ferveur en dépit d'une langue de bois qui arrange bien les ploutocrates qui sont à l'abri et profitent d'une manière ou d'une autre de ce « négoce » juteux qui, tant qu'il perdurera, accablera toujours les personnes qui, comme moi, aspirent à un monde juste et respectueux qui prône l'amour libre ainsi que les relations véritablement consenties basées sur le respect.

    Cha*

    * Certains tartuffes n'ont pas trouvé mieux pour se dédouaner. Ah, mais si, où avais-je la tête ? On en trouve toujours un petit paquet pour dire que la prostitution empêche les violeurs de passer à l'acte. Ce qui, bien entendu n'a pas été prouvé. & quand bien même nous disposerions de statistiques fiables à ce sujet, l'idée d'aller sacrifier une personne qui n'aura sans doute pas eu l'équilibre psychologique et matériel nécessaire pour pouvoir éviter de tomber dans cet écueil me semble particulièrement vomitive.


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  • ... Et nous font déprimer pour la journée.

    Me rendre seule à la Braderie de Lille est toujours pour moi l'occasion de passer le temps que je veux à explorer chaque stand tout en me faisant aborder par moult voyants africains, témoins de Jéhovah au regard illuminé et autres broutards arriérés qui croient bon de m'attirer à eux en braillant des « nymphoooo » à qui mieux mieux (je ne vois personnellement en quoi mon apparence ou ma tenue pouvaient susciter un tel qualificatif, à croire que le fait d'être sans propriétaire et burqa fantômatique suffit à me classer dans cette catégorie on ne peut plus arbitraire). Bien que je ne m'y fasse toujours pas, je vous passe l'habituelle « Eh, y a d'la moule, ici ! » proférée par de délicats touristes en mal de reconnaissance pour vous parler de ce bradeux altier et somme toute tellement abject qu'on se demande si l'on ne cauchemarde pas rien qu'en l'observant trois minutes. Vous savez, ce genre de type si fier de sa petite personne qu'il en oublie le reste du monde et qui se plaît toujours à monologuer des âneries à longueur de temps pendant que Bobonne s'occupe de la monnaie et répare les pots cassés (c'était le cas de le dire dans un tel contexte). On en a tous/tes, je pense (et malheureusement), connu au moins un dans notre vie.

    Cet énergumène était donc en train d'emmerder une dame sous couvert de drague, mais celle-ci, ô surprise, avait un peu plus de répondant qu'un mollusque bivalve comestible et dépendant de son rocher. « Je ne veux pas de vous », a-t-elle alors répondu calmement, mais fermement, à l'importun.

    Ce qui, bien évidemment, ne plut pas à cet excité, qui répondit alors : « T'as tort, ma caille, tu verrais comment qu'chuis bien monté » suivi d'un tristement mémorable : « Je vais te la mettre dans la bouche, moi, ça t'fermera ta grande gueule ! »

    [...]

    Evidemment, je n'en revenais pas. Et d'avoir entendu ce crétin fini proférer une pareille chose en toute impunité, et de constater qu'autour de moi... Tout le monde riait ! Un grand moment de solitude comme je n'en avais plus l'habitude, en somme. Mon « Ah, superbe » ironique et timide fut totalement englouti par les rires gras.

    La voisine de stand de ce crétin fini a fini par lâcher, en faisant mine de s'esclaffer, un : « Ah, il est infernal, plusieurs jours qu'on le supporte !» (ha, ha). La peur de « faire des histoires », évidemment, était sous-jacente. Alors on tolère, même si tout le monde sait que l'hilarité est feinte, et que l'autre phallocrate de mes deux ovaires a bel et bien agressé (même de loin, quelle franchise au passage) verbalement une femme qui a eu l'outrecuidance de lui résister. Bref, encore un qui a su clouer le bec à tout le monde en procédant par intimidation sexiste. Je n'étais que de passage, mais qu'est-ce que doit se permettre ce déchet, à longueur de journée ? Je n'ose même pas l'imaginer...

    À celles et ceux qui prétendent que le machisme est mort, je vous conseille de sortir un peu, rien qu'un peu. Mais qu'on ne vienne en tout cas surtout pas me dire que ce que je raconte n'est finalement pas bien grave, et qu'il s'agissait juste d'humour, ou de « second degré ». Ces tares ont assez de droits comme ça. Trop, même. Et je m'en veux de ne pas avoir su intervenir comme il l'aurait fallu, quitte à me faire rabrouer par tous/tes ces lâches et collabos.


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  • (Après vous, comme d'hab...). Vous proposez ? Alors on dispose.
    Ne changeons rien, surtout.

    Non, il ne s'agit pas du leitmotiv du camelot désireux de vous refourguer le tout dernier vibro à tête de caniche bénéficiant d'une supposée troisième démarque depuis deux jours, ni du slogan de la boîte de tobléstérones à enrobage caramel-noisettes-amandes pilées garantis 3% de matières grasses, mais bel et bien du titre de la page de "blagues sur les hommes" que m'a envoyé mon père suite à une overdose de ma part de plaisanteries misogynes relayées par ses amis, voire par lui-même.

    Voilà où on en est, en 2007 : à perpétrer les clivages hommes-femmes sous couvert d'humour, tout en se tirant bêtement dans les pattes, style cour de récré et paf dans les gencives bien fait, t'avais qu'à pas commencer gros bouffon (souvent suivi d'un "Mais on vous aime bien quand même heeeeeein", ou d'un "Ah (soupir sensuel), que ferait-on sans vous" (bah, des tas de choses aussi, mais là n'est pas le problème, mes chéris)). Comme si j'aimais rentrer dans ce genre de jeu puéril & abscons (je n'ai pas quitté l'école pour rien, non mais !). Comme si être féministe se résumait à admirer toutes les femmes, et de détester tous les hommes. Comme si...

    Une mention spéciale accompagne ce qui pour moi s'apparente à un sombre torchonnet couvert de moisissures bleuâtres et de glaires de chimpanzé :

    "Envoyez ces histoires à toutes les femmes intelligentes qui pourront rire et aussi à tous les hommes qui peuvent supporter la vérité"...

    > Attention, Femmes, on vous aura mises en garde de par cette vile flatouillerie : si vous êtes fûtée, riez, qu'on vous dit, riez à gorge déployée (pour une fois qu'on vous autorise à avoir de l'humour ! Mais vous en avez, au fait ? C'est nouveau, ça... Ha, ha) des stéréotypes qui vont suivre au risque de passer pour une rabat-joie intégrale ! Mais vous aussi, Hommes, gaussez-vous de ces fadaises érigées en Vérité Aaaaabsolue ! Car quoi de plus bon qu'une bonne dédramatisation collective pour mieux faire passer la sexiste pilule ? Hu, hu, hu...

    Mais je crois que vous attendez ces bons mots. Les voici :

    "Pourquoi l'homme penche-t-il la tête quand il réfléchit ? Pour que ses deux neurones entrent en contact".

    "Pourquoi les hommes ont-ils la conscience tranquille ? Parce qu'ils ne l'ont jamais utilisée".

    "Pourquoi les hommes aiment-ils autant les voitures et les motos ? Celles-là au moins, ils peuvent les manipuler".

    "Quelle est la différence entre un homme et une tasse de café. Il n'y en a pas : les deux tapent sur les nerfs".

    "Quelle est la différence entre un homme et un chat ? Aucune, tous deux ont très peur de l'aspirateur".

    "Comment appelle-t-on un homme intelligent, sensible et beau ? Un homosexuel".

    "Quel est le point commun entre les nuages et les hommes ? Quand ils s'en vont, on peut espérer une belle journée".

    "Quel est le point commun entre les hommes qui fréquentent les bars pour célibataires ? Ils sont tous mariés".

    "Quelle est la différence entre un homme, une cravate et une ceinture ? La ceinture serre la taille, la cravate serre le cou, l'homme sert à rien".

    "Quelle est la différence entre le cerveau d'un homme et une olive ? La couleur".

    "Les mensurations idéales d'un homme ? 80 - 20 - 42 (80 ans, 20 millions d'euros sur le compte en banque et 42 degrés de fièvre)"

    "Que doit faire une femme quand son mari court en zigzag dans le jardin ? Continuer à tirer".

    "Les hommes sont la preuve que la réincarnation existe. On ne peut pas devenir aussi con en une seule vie".

    "Pourquoi les hommes ont-ils les jambes arquées ? Les choses sans importance sont toujours mises entre parenthèses".

    J'avoue que si certaines de ces trouvailles sont nulles à pleurer, d'autres me font parfois sourire. Ainsi, les hommes hétéros (puisqu'il est sous-entendu ici que les homosexuels sont tous des esthètes raffinés (quelle crétinerie)) seraient aussi bêtes qu'inutiles ("Mais on a besoin d'eux quand même heiiiin"), penseraient plus à forniquer qu'à passer l'aspitout (ce ne sont pas les seuls, hu, hu), et n'auraient de valeur que via la taille de leur, euh... Portefeuille. Soit. Tout le monde en prend pour son grade selon le genre qui lui a été attribué, c'est très bien, on a bien ri, voilà qui détend l'atmosphère pendant la pause café soluble lyophilisé à l'édulcorant gracieux.

    Ce qui m'échappe encore quelque peu, c'est que mon ascendant direct a cru bien faire en m'envoyant cela. Certes, ces blaguounettes cendrées n'auront pas d'impact sur mon propre quotidien, étant sensibilisée aux questions de genre et prenant ainsi un minimum de recul face à de tels dires, même si je ne me trouve personnellement pas totalement déformatée. Mais qu'en est-t-il de celles & ceux qui, inconsciemment, assimilent certains de ces clichés, et les perpétuent parfois avec le plus grand sérieux ? N'y a-t-il pas d'autre forme de riposte possible lorsque l'on nous impose, par exemple, des blagues phallocrates à chaque repas ? J'avoue trouver cela tellement conventionnel et attendu que je suis lassée, oui, lassée de ces formes d'"humour" facile que, dans des moments de grand désespoir, je manie par cynisme, comme pour mettre en évidence leur absurdité, qui pourtant devrait avant tout sauter aux yeux. Que crève l'abcès, purulence de notre époque qu'on dit évoluée, de cette société qu'on dit libre ("Chacun fait c'qui veut heeeein"), de ces individu-e-s (oui, je féminise aussi ce mot), recouvert-e-s de relents de sexisme du quotidien...

    Je pense finalement que j'aurais surtout aimé que, pour une fois, --- père (il m'énerve, ce possessif, voyez comme je l'ai viré négligemment, telle une mouche verte qui tourbillonnerait depuis trop longtemps à mon goût autour de mon PC) écoute ce que j'avais à dire, prenne en compte ce qui me dérangeait tant rapport au machisme qu'il entretenait avec ses potes... Mais je crois que je rêve, oui, je rêve. Mon engagement féministe n'est pas pris au sérieux. Il est une chimère que l'on calme à coups de plaisanteries archaïques et grotesques. "Voilà ton compte, femelle, tu peux te taire à présent". Tu les as, "tes" blagues. Talion. On a rétabli l'équilibre (tu parles). Ah, qu'est-ce que ce serait triste, un monde anti-sexiste, où le statut d'être humain compterait avant tout ! À tous les coups, même les blagues sur les blondes disparaîtraient. Quel dommage, vraiment !


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    Et consensus mou. Sors ton Bisounours et fais comme moi.

    Tu verras, c'est sympa...

    C'est comme ça, on n'y peut rien. Non, mais t'exagères, toi aussi.
    C'est pas si terrible, c'est pas grave, faut faire avec.

    Bon, on parle d'autre chose (air agacé)
    Hmmm, ça veut dire que je me tais ?

    Fait beau, hein ? (mine hypocrite, sourire forcé)
    "Beau" : qu'est-ce qu'on s'en fout...

    Allez, on est fatigué-e-s, je crois qu'il faut aller s'coucher (sommeil mal feint)
    Non, moi ça va très bien, j'avais juste envie de parler.

    Tous ces mots qui torturent, alors qu'ils sont faits pour anesthésier.
    Tous ces faux semblants d'amour et d'amitié
    Protocole établi, la vie en copié-collé.

    Tu te mêles de quoi, t'as pas connu ça, toi.
    "Tous les goûts sont dans la nature", tu sais ?
    Non, je ne sais pas (et je le trouve tellement idiot, ce leimotiv...)

    Et puis, si c'est leur choix ?

    Chacun est libre.
    Ah, je l'adore, celle-là.

    Bien entendu : tout le monde est libre de ses actes, de ses agissements, de son vécu, quoi. Il n'existe aucune infuence extérieure, aucune.

    Juste quelques caractéristiques, exclusivement nichées dans les gènes, sur l'hypopo, euh... Thalamus, aux creux de mes reins...

    C'est tellement plus simple de "raisonner" ainsi.

    Toutes ces phrases qu'on répète pratiquement sans le vouloir, sauf que souvent, on n'a rien contre non plus.

    Pourquoi ça me rend si triste, pourquoi ce mélange de lâcheté et de bêtise m'est si insupportable, alors que d'autres, apparemment, savent s'en accomoder avec brio ?

    Et puis pleurer, ça ne sert rien.
    Faut plus parler de ça.

    De toute façon, les gens font comme ils veulent, hein.

    C'est cela, oui.

    En attendant...

    Marre de cette démago bête à crever qui annihile tout débat, tout risque à l'erreur, toute tentative d'évolution. Marre de ces vitotages plats et monotones, de ce manque de courage et de créativité, de ces gens qui feignent l'endormissement.

    Et de cette peur imbécile du qu'en dira-t-on.

     


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